Deux ans.
Cela fait deux ans que j’ai atterri à San Francisco, ne
pensant alors y poser mes valises que pour 6 mois, peut-être 12. D’ailleurs,
c’était une valise, une seule, une valise d’un voyageur qui ne ferait que
passer. Les premiers mois sur place, je n’achetais pas grand chose, pensant
qu’il faudrait remporter tout ça, dans une autre valise, bientôt. Et puis un
beau jour, le bientôt prit une autre dimension. Oui, je rentrerais bientôt,
mais pour mieux revenir. Depuis ce jour, le bientôt n’a cessé d’être élastique.
Elastique dans le temps -oui, je « rentre » bientôt, en vacances,
dans 6 mois. Ce n’est pas si long, 6 mois. Elastique dans le sens – je ne sais
pas encore si je vais « rentrer » un jour, je n’ai pas de projet qui
me ramène vers la France pour le moment. D’ailleurs je ne dis plus France, mais
Europe. Mais surtout, élastique car
je passe ma vie à « rentrer », dans un sens ou dans l’autre. Je
« rentre » en France, comme je « rentre » à San
Francisco. Cette ville de passage, est
devenue un nouveau chez moi. Un autre chez moi. Les premiers mois, la
fascination et l’excitation liées à la découverte me faisaient idéaliser cette
nouvelle ville, cette nouvelle vie. J’ai passé une délicieuse lune de miel avec
San Francisco, à San Francisco. Nous nous aimions, réciproquement. Et puis le
temps à passé, et j’ai commencé à remarquer
ses défauts, avec une acuité grandissante. A lui reprocher tout ce que
la France avait, et qu’elle n’avait pas. Tout ce que « l’Europe »
avait, et qu’elle n’avait pas. Mais j’ai dû me rendre à l’évidence : pour
lui faire de l’ombre, il fallait plus qu’une ville, mais au moins un pays –ou
27. Aucune ville, seule, ne pouvait rivaliser avec ses charmes. La culture, les
valeurs, les cultures, le soleil, l’architecture, la nature, les gens comme ci,
et les gens comme ça, la cuisine mais aussi toutes les cuisines, la technologie, et l’énergie débordante. Et une
grande tranquillité.
Alors, je suis restée.